Erhia, la fille de l'inconnu
Chapitre premier :« Ne les écoute pas, ils n’en valent pas la peine. La seule raison de leur colère est la jalousie, oui, c’est ça, ils sont jaloux. Ne t’en fais pas, peu importe ce qu’ils peuvent bien crier au dehors, je serais toujours là pour toi, je te protégerai de toute mon âme, je n’en laisserai aucun te faire de mal. Ne t’inquiète pas. Je suis là… »An 595, Village de Sho-Pin, Pandala.Kelebrawa, jeune pandawa, sort de sa cabane de bambou à la recherche de bois à brûler.
Les temps sont durs en descendre. La lune était déjà haute dans le ciel et les étoiles brillaient plus que jamais. L’une d’elles se faisait remarquer plus que les autres, l’Etoile de Féca, ainsi nommée en l’honneur de la bergère guidant ses bouftous pour la simple et bonne raison qu’elle indiquait à qui savait la reconnaitre l’emplacement exact du nord géographique. Une étoile filante fendit le ciel, Kelebrawa se permit un vœu, le vœu que rien ne change, sa famille, ses amis, le lait de bambou fermenté, tout était parfait.
Un courant d’air glacial suivit d’une voix tonitruante sortit le pandawa de ses noble pensées.
- Kele ! ‘Spèce d’incapable ! Magne-toi, on se les cailles ici !
- Oui ‘Ba-San, j’arrive…
Le bois n’était pas loin, à quelques kamètres seulement, mais le lait de bambou aidant le chemin était périlleux.
Après l’esquive plus qu’agile d’un râteau camouflé par l’herbe haute, d’une pierre grosse comme un attribut viril de Tanukouï-San et d’une brouette rebelle, notre héros ne put éviter l’arbre sauvage qui traversa sa route, et c’est avec un « SCHTONK ! » plus que perceptible que Kelabrawa se retrouva les quatre fers en l’air…
Après avoir repris ses esprits et enfin chargé de bois, fier de son exploit, le jeune pandawa pousse la porte d’entrée d’un grand coup de pied, manquant ainsi de la sortir de ses gonds. Une créature étrange se tenait droit devant lui, mélange entre une pandawa et une énutrofette. Plutôt laid pour ainsi dire.
- Ah enfin ! J’ai cru que j’allais mourir de froid !
- On a fêté ton millénaire le mois passé et c’est toi qui a remporté le concours de biture, après ça vient pas me dire que tu vas rendre l’âme parce qu’il n’y a plus que des braises dans la cheminée, Grand-Mère.
Tout en tournant la tête, indignée, l’intéressée s’enquit de répondre :
- Humpf ! Tu sais, à mon âge, on est plus si jeune.
Ne sachant pas quoi répondre, Kelebrawa se contenta de poser le bois dans l’antre de la cheminée avant d’aller se coucher.
*
* *
« Toc Toc ! »
Aucune réaction…
« Toc ! Toc ! »
Toujours rien.
- Lève-toi bon sang !
Résonna une voix familière en harmonie avec la musique que faisait la porte de la chambre de Kelebrawa en luttant contre les coups de poings de la vieille.
Une autre voix, faible et à peine audible, se fit entendre.
- Mais Grand-Mère, il fait encore noir…
- Ouvre tes volets…
Cette fois la femme avait un air désespéré. Un bruit de grincement se fit entendre, suivit d’un cri tonitruant.
- Whaaa mes yeux ! Ça brûle ! Je fonds ! Bwarlaghargh…
Ce dernier son, bien qu’étrange, ne fit pas sourciller la dame. La porte de la chambre s’ouvrit alors lentement, laissant apparaitre une tête mal éveillée, éclairée à contre jour par le soleil de midi. La vieille sauta sur l’occasion :
- T’en fais pas mon Kele, j’ai une bonne raison de te faire lever avant le goûter ! Regarde ce que j’ai trouvé ce matin, elle est mignonne hein ?
Kele baissa les yeux et aperçu dans les bras de sa grand-mère ce qui semblait être une grosse boule de chiffons. Il restait perplexe…
Devant ce manque de réaction évident, la vieille femme tourna un peu les draps de façon à laisser apparaitre un petit visage tout rose, celui d’un bébé.
- Ohw… Elle… Elle…
Visiblement surpris, il ne trouvait plus ses mots. Soudain, le déclic.
- Elle est carrément jolie ! Tu l’as trouvée où ‘Ba-San ? On peut la garder ? J’te promets que je m’occuperais d’elle, je la sortirai même pour ses besoins !
Une claque bien sentie atteint le pandawa en plein visage.
- Ce n’est pas un chienchien mon grand, c’est un bébé. Elle n’aura pas besoin d’un maître mais plutôt d’un grand frère, alors tâche de te comporter comme tel.
- Youhou ! Je vais être grand frère !
- Faudra devenir un peu responsable par contre, te connaissant ce n’est pas gagné mais faudra que tu trouves un boulot, sinon on aura jamais assez de kamas pour lui faire une éducation décente.
La joie de Kelebrawa s’estompa un instant, mais repris de plus belle immédiatement.
- Je ferais ce qu’il faut ‘Ba-San, j’te jure sur la tête du Grandapan ! Mais ça réponds pas à ma question, elle est arrivée ici comment ?
- Oh, le plus simplement du monde ! Pendant que je récoltais quelques bulbes pour la soupe ce matin j’ai vu une jeune femme de loin dans la forêt. Elle était un peu bizarre mais rien de grave, deux cornes sur la tête, un grand bâton sculpté et un beau bouclier. Ah, et elle brillait aussi. Je suis sure de l’avoir déjà vue quelque part mais je sais plus où…
Bwarf, si c’était important je m’en souviendrais !
Et ainsi ‘Ba-San raconta comment la dame a déposé l’enfant sur un parterre de mousse exempt de neige, à côté d’une source d’eau claire, la seule visiblement qui n’avait pas gelé malgré le froid de descendre.
Chapitre second :« Ce moment n'est qu'un obstacle à contourner, crois en toi et tu y arriveras. Tu es toujours là, après tout ça, c'était dur mais tu l'as fait. C'est pour cette raison que je resterai avec toi, quoi qu'il arrive. Je t'en prie, crois en toi, surmonte ce défi et toi aussi, reste avec moi, je ne te laisserai pas... »An 612, Village de Sho-Pin, Pandala.Erhia, c'est comme ça qu'elle se prénommait. Une jeune femme de maintenant dix-sept ans, intellectuelle et belle à la fois. Elle vivait ici depuis qu'elle avait été recueillie par celle qu'on appelait Oba-San, une vieille pandawa accro au lait de bambou fermenté, comme tous ses congénères. Habitant légèrement à l'écart du village, la vie était paisible. Seules les tâches ménagères imposées par la grand-mère venaient troubler les tranquilles journées de la jeune dame, mais elle ne s'en plaignait pas.
Erhia n'était pas quelqu'un qu'on s'attend à voir dans un village aussi perdu du nord de Pandala. Contrairement aux autres habitants, elle ne ressemblait en aucun cas à ces mammifères ursidés bicolores et alcooliques que sont ces pandawas, mais elle les côtoyait depuis si longtemps désormais que leur odeur corporelle et leur caractère aléatoire ne la dérangeait pas. D'un côté, elle vivait ici depuis toujours et n'avait rien connu d'autre que la boisson et la baston.
En réalité, Erhia ressemblait à tout ce qu'il y a de plus humain. De longs cheveux blancs tressés, une peau matte et de grand yeux marrons, beaucoup la trouveraient adorable. C'était pourtant sans compter son caractère, tantôt enjôleur, tantôt sarcastique au point d'en faire rougir un énutrof de colère, et ce sans même avoir besoin de parler de richesse.
Nombreux étaient les jeunes pandawas du village de Sho-Pin venant lui faire la cour, priant pour qu'elle leur montre un tant soit peu d'intérêt. Mais tout ce que la jeune femme rendait n'était que sourires amicaux, quelques regards désolés parfois pour ces jeunes buveurs dont l'amour ne connaitrait pas de suite.
Elle était pourtant loin d'être une fille solitaire, riant et se chamaillant à longueur de temps avec tous les gens de la bourgade qu'elle pouvait croiser, c'était décidément une fille bien.
Depuis ces huit ans, Erhia était petit à petit initiée au pandawushu, art martial ancestral de son peuple d'accueil. Discipline qu'elle maitrisait d'ailleurs fort bien.
Cette vie tranquille s'acheva un beau soir, il faisait frais, mais pas froid. Le ciel dégagé laissait paraître une myriade d'étoile, la lune quant à elle était cachée par les montagne avoisinantes. Alors que le village au complet était en liesse pour fêter la fin de la saison hivernale, un grand
BANG ! se fit entendre.
La musique s'arrêta, les danses s’interrompirent, les rires s'évanouirent. Quelque chose était proche, quelque chose de peu commode.
Un craquement se fit entendre de la forêt, plusieurs bamboos s’effondraient au loin. Les bruits d'explosion se répétaient, de plus en plus proche. La tension grimpait au sein du village. Les hommes comme les femmes couraient sans un bruit, attrapant boucliers rustiques et lances de bamboo. Une ligne de défense se préparait déjà à l'entrée du village sans qu'un seul mot n'ait été dit. Erhia était en première ligne, prête à en découdre avec cette menace inconnue pour protéger son village adoptif.
Une lumière tout sauf naturelle s'avançait dans les bois en direction du groupe de pandawas. Bleue, étincellante, on aurait dit qu'elle se dégageait de rien.
Ses contours se distinguaient au fur et à mesure de son avancement, elle oscillait à un rythme régulier, comme tenue par une chose marchant lentement.
La lueur semblait maintenant surgir d'une fiole. Son porteur lui n'était toujours pas discernable.
Certains pandawas se renfrognèrent, renforcèrent leur appui sur leur jambes, fronçant les sourcils.
Erhia ne bougeait pas, concentrée sur cet inconnu qui s'avançait.
C'était maintenant clair, un homme s'approchait du village, emmitouflé dans une longue cape trainant sur le sol. Ses oreilles pointues dépassaient se sa capuche. Deux yeux à l'allure fâcheuse se reflétaient à la lumière, le reste de son visage étant caché par la noirceur de son habit.
L'homme s'immobilisa à une dizaine de pas du mur formé par les pandawas, inquiets.
L'attente fut longue, personne ne bougeait d'un poil, seul le crépitement du feu sur la place du village se faisait entendre.
L'homme fut le premier à bouger à nouveau, abattant son capuchon, laissant ainsi paraitre son visage baissé. Ses cheveux châtains lui arrivaient aux épaules, attachés en queue de cheval par une lanière de cuir.
Il releva lentement la tête, laissant apercevoir son faciès défiguré par une cicatrice allant de son œil droit à sa joue gauche.
Le regard vide, le sourire qui en disait long sur son état mental, cet homme avait tout pour faire peur.
Bien que surpris par ce visage dévasté par la folie, les pandawas ne se laissèrent pas démonter. Le mur menaçant qu'ils formaient aurait fait fuir le plus courageux des hommes, mais l'insanité dégagée par cet homme semblait contrer cela sans aucun mal, pour peu qu'il l'ait vu, car il n'était obnubilé que par une chose. Le regard fixé sur Erhia, il laissa échapper ces quelques mots, ponctués de rires dérangeants...
- Hihi... Depuis... Le temps que je... Te... Hihi... Cherchait... Hihi...
Il marqua une légère pause avant de reprendre en criant.
- Princesse !
Sur cette dernière parole il dégrafa son manteau et le laissa s'échouer sur le sol, découvrant son torse nu couvert de cicatrices mal soignées. Il n'avait plus qu'un pantalon sur lui, tenu à la ceinture par une cordelette.
Sortant de derrière son dos une épée aussi grande que lui, il s’élançât directement en direction d'Erhia, troublée.
A suivre... 
Lun 5 Jan - 14:37
